qu’est-ce qui m’a pris
dessin ©fabio viscogliosi
tracklist
la carte postale
la riviera
gouvernance
le grand filtre
je songe
206 os carrés
les murs blancs
à bords perdus
qu’est-ce qui m’a pris
le cénotaphe
où nous étions
le lac
philippe poirier : paroles et musiques
(excepté sur gouvernance paroles de dominique a, où nous étions paroles de ronald lippok)
dominique a : guitare, voix
guy bickel : trompette
pascal benoit : batterie
max bruckert : électronique
jean-philippe chalte : électronique
katarina heis : voix
bernd jestram : basse, synthétiseurs
ronald lippok : batterie, synthétiseurs
marco de oliveira : basse
vincent robert c: ontrebasse
stefan schneider : synthétiseurs
enregistré au studio klein leberau
avec marco de oliveira
et à berlin au studio bleibeil
mixé avec bernd jestram
et réalisé avec stefan schneider
microbe records (2004)
la carte postale
paroles
philippe poirier : chant, guitare, sax alto
katarina hein : chœur
stefan schneider : synthétiseur
marco de oliveira : basse
pascal benoit : batterie
les gens n’ont pas bougé depuis combien de temps
les uns regardent par terre d’autres lèvent les bras
devant la silhouette sombre d’un cheval cabré
ses sabots frappent en silence les pavés de papier
reçu ce matin une carte postale de toi
bords crénelés piquant le bout des doigts
photo très ancienne peuplée de gens des villes
grandes avenues bâtiments immobiles
je tourne la photo un quart de tour à gauche
les chaussées verticales s’élancent dans le ciel
des corps d’hommes et de femmes posés sur le côté
lévitent sans bouger sur d’autres allongés
est-elle bien de toi cette carte postale de toi
rectangle de carton séché piquant le bout des doigts
que je tourne encore encore une fois
un quart de tour en plus un quart de siècle en moins
le ciel se couvre de pavés aimantés
plaquant hommes et bêtes tête en bas
bâtiments sur l’arête plombée des toits
le cheval, debout sur sa crinière
rêve de sa chute certaine
un quart de tour encore et tout le monde descend
sur cette carte postale de toi
qui me fait depuis une heure regarder le temps
ce temps au bout des doigts qui remonte vers toi
si la vie maintenant s’animait c’est facile
on verrait hommes chevaux voitures qui lentement s’abîment
dans le blanc du vide longeant les édifices
dans ce reflet sans eau sans origine sans haut
un quart de tour enfin nous voici à l’endroit
l’endroit où tu vivais où je vis maintenant
un homme s’est pressé peut-être c’était toi
un rendez-vous important pour les quarts de tour suivants
sur cette carte postale de toi
bords crénelés piquant le bout des doigts
photo très ancienne peuplée de gens des villes
grandes avenues bâtiments immobiles
la carte postale | featuring rodophe burger | 4:41
la riviera
paroles
philippe poirier : chant, guitare, sax alto, samples
stefan schneider : synthétiseur
vincent robert : contrebasse
ronald lippok : percussions, synthétiseur
comme il y a vingt ans
je t’écris par-dessus les années
est-ce possible rien n’a changé
par-dessus tant d’années
les saison les jours les heures
c’est comme il y a vingt ans
comme à cet instant précis
où j’écrivais ton nom dans la poussière
des voitures de ton département
tu marches toujours au bord des falaises
sur les corniches la nuit
le long des précipices
la terre devait-elle tourner plus vite
à voir ces folles embardées
sur ces canots vernis
tous ces rêves étincelants
glissant sur les reflets d’argent
les rivières de diamants
est-ce possible rien n’a changé
les saisons les jours les heures
par-dessus tant d’années
tous ces rêves étincelants
glissant sur les reflets d’argent
les rivières de diamants
sans doute le paradis ne devait pas être loin
peut-être là même derrière tes yeux
dans ce noir resplendissant
dans ce corps frémissant
calme mais impatient
tu emportais avec toi
le cœur des jeunes gens
les bords de mer les océans
buvant des coquillages
faisant rire les amis
les mains planaient au-dessus des têtes
le cristal volait en éclats
comme le monde est vaste
et se parcourt en un instant
mais non rien n’a changé
pas d’entaille de fêlure
c’est comme il y a vingt ans
par le long corridor des années
quelques gestes magiques
quelques mouvements de doigts
et c’est ta voix que j’entends
tu es là dans je ne sais quel endroit
à fabriquer dieu sait quoi
toi du temps moi des années
gouvernance
paroles
dominique ané : voix
philippe poirier : guitare, synthétiseur, sax alto
jean-philippe chalte : électronique
max bruckert : électronique
stefan schneider : synthétiseur
dites à part l’eau
qui conduit
qui mène aux avalanches
à vigo
au désir
gouvernance
qui peut
dites à part l’eau
mener
mener mieux qu’en bateau
qui peut
dites à part l’eau
dites sous les cartes
que voyez-vous
celui qui paie voit tout
celui qui paie commence
et il dit
je vois tout
et je suis ébloui
le temps je le commente
moi aussi
gouvernance
je peux tout aussi bien je peux tout
sous un grand tas de sable
la chance
l’inédit
une femme avec enfant
dans une file d’attente
la file est une pente
la pente est un pays
un pays
gouvernance
dont le sol rétrécit
il glisse jusqu’à la porte
du hangar où s’appuie
une femme
comme aux abords d’un puits
le grand filtre
paroles
philippe poirier : chant, guitare, synthétiseur
stefan schneider : synthétiseur
marco de oliveira : basse
ronald lippok : batterie, synthétiseur
je suis enfoui dans le sable
les marées me couvrent et me découvrent
je jette un coup d’œil au grand jour
c’est le temps des mortes-eaux
de la dépression tout court
je vois les grandes algues sèches affaissées
d’épaisses langues de feutre recroquevillées
sur le sable plat entre les rochers
comme il fait chaud c’est à crever
vive l’apesanteur l’ardeur au ralenti
les corps pâles s’étirent et s’enroulent
sur des sofas translucides
les perspectives se perdent dans des spirales de nacre
les pinces découpent des formes imaginaires
tout est calme et l’on marche sur les ongles
là où la cacophonie s’estompe
où tout nous parvient de loin
de derrière le grand filtre du monde
là-bas les gens les objets se cognent
oui de loin nous entendons cela
les cris les bruits sont secs
car ici rien ne résonne
sont-ils tristes ou gais nous ne le savons pas
car la volonté n’arrive pas jusque-là
franchement tout cela nous dépasse
car ici tout n’est qu’insouciance
c’est une question de survie
de rêves inassouvis
à la prochaine marée
je consulterai l’annuaire
j’éviterai le découvert
je resterai en pleine mer
là où la cacophonie s’estompe
où tout est calme et l’on marche sur les ongles
où tout nous parvient de loin
de derrière le grand filtre du monde
le grand filtre | 6:24
je songe
paroles
philippe poirier : chant, guitare, sax alto
stefan schneider : guitare
jean-philippe chalte : électronique
vincent robert : contrebasse
bernd jestram : basse
l’œil suit lentement les entrelacs
de tes étranges pensées
l’esprit se traîne puis se réveille
déplié par les jeux de bandes les méandres
où se déploient en volutes
les rinceaux d’acanthes
les fruits les fleurs en bouquets suspendus
tu me parles depuis quand je ne sais plus
je t’écoute tu m’enivres et je songe
mes yeux s’emplissent de guirlandes
d’enroulements rocaillés
tes arguments déferlent en cascades végétales
en frises fabuleuses
sorties des griffes d’un lion
les mots résonnent et s’affichent
dans des cartouches ornés de feuillages découpés
tu me parles depuis quand je ne sais plus
je t’écoute tu m’enivres et je songe
tu m’exposes tes idées m’exhortes à ta raison
chimères chèvres pieds et bacchantes
tu as horreur du vide
et redoubles d’ornements
tout cela est grotesque
je suis tes volontés suspendu à tes lèvres
sur ce schéma complexe ce jardin composé
et l’on y déambule au milieu des concepts
tu me parles depuis quand je ne sais plus
je t’écoute tu m’enivres et je songe
oui l’esprit suit cela attiré curieux athée
tu te fiches de savoir si ce que tu dis est vrai
tu lances tes phrases en tas
comme on fait des branchages
mes yeux suivent ces singeries
à l’abri des treillages
et je songe alangui
sous baldaquin en plomb
à un monde à moitié vrai
à un monde à moitié faux
tu me parles depuis quand je ne sais plus
je t’écoute tu m’enivres et je songe
à un monde à moitié vrai un monde à moitié faux
je songe | 5:38
206 os carrés
paroles
philippe poirier : chant, guitare, sax alto, samples
guy bickel : trompette
stefan schneider : synthétiseur
deux cent six os carrés éparpillés sur le sol
ou bien en cercle autour d’un feu
si je m’approche ils s’envolent
oh comme ils volent
au-dessus des volcans dans les courants violents
d’ombre en ombre autour des formes dures
les nuages sont en bas dans les flaques
un étang à gauche un étang à droite
trempés jusqu’aux os
les corps ne demandent plus rien
ou bien tout mais surtout rien
deux cent six os carrés
lancés à travers la fenêtre
ces morceaux de phosphore clair
comme ils savent bien s’emboîter
ils font des figures des constructions parfaites
deux cent six os carrés
certains sont petits nacrés ils ont l’air un peu creux
je les entends siffler dans l’air gris glacé
et quand ça va mal ils sont tout étonnés
deux cent six os carrés éparpillés sur le sol
ou bien en cercle autour d’un feu
si je m’approche ils s’envolent
oh comme ils volent au-dessus des volcans
dans les courants violents
d’ombre en ombre autour des formes dures
j’en vois un isolé comme il est blanc et rêche
cher os c’est à toi que je m’accroche
chair os sacré tandem association fatale
toi et moi toi dans moi
main dans la main bras dans le bras
les nuages sont en bas dans les flaques
un étang à gauche un étang à droite
deux cent six os carrés
lancés à travers la fenêtre
ces morceaux de phosphore clair
comme ils savent bien s’emboîter
ils font des figures des constructions parfaites
fouillis d’os qui s’assemblent
comme pour un mauvais coup
et dessinant mon nom en grandes lettres bâtons
deux cent six os carrés sacré monstre en stuc
tu ne vas tout de même pas me plaquer
m’abandonner à ces chair pensées
c’est avec toi que je préfère phosphorer
c’est avec toi que je veux voler
au-dessus des volcans dans les courants violents
d’ombre en ombre autour des formes dures
les murs blancs
paroles
philippe poirier : chant, guitare, sax alto
marco de oliveira : basse
pascal benoit : batterie
les nuits donnent aux amants
les allées de sable blanc
qui mènent aux chambres noires
où l’amour attend
une porte s’ouvre aux flancs des grands murs blancs
une silhouette dans l’obscurité parcourt les allées
au milieu des parterres aux motifs compliqués
qui mènent aux chambres noires où l’amour attend
comme ces grands animaux
qui résistent à la fuite
à quelle distance d’aile
pénètre-t-on chez elle
ses épaules tournent au milieu des dentelles
l’ombre de la main glisse comme sur ces grands murs blancs
elle seule sait pourquoi dans la nuit tiède et pâle
marche sans bruit l’amant le long des grands murs blancs
à bords perdus
paroles
philippe poirier : chant, guitare, contrebasse
dominique ané : guitare acoustique, voix
stefan schneider : synthétiseur
nous sommes entourés d’arbres obscurs
de ciels clairs et l’on peut tout y lire
les allées se perdent dans des bosquets
où souvent nous faisons des rencontres
des petites troupes des personnes des siècles passés
aux tenues extravagantes couvertes d’ornements brodés
si nous détournons la tête un instant
ils auront disparu depuis si longtemps déjà
qu’ils se seront changés en cailloux
réduits à sable et coquillages
le sol est doux la mélodie charmante
cette société est aimable et paraît familière
nous nous regardons sans vraiment nous connaître
les visages font des points clairs dans la pénombre
et derrière le décor change de façon régulière
par petits groupes ils s’en amusent
et pouffent de rire sans bruit le long des pentes
l’horizon est au-dessus de nous
un ciel azural vire à l’ocre jaune
et dessine de grands chênes noirs à bords perdus
le sol est doux la mélodie charmante
tout au long du chemin nous allumons des feux
et du haut de la montagne observons ces bûchers
nous croyions descendre et pourtant nous montions
et de loin de très loin de l’horizon
voyons par où nous sommes passés
un chemin tout tracé de colonnes de fumées
nous sommes si fatigués
allez retour aux écuries
un peu de paille fera l’affaire
dans la douce tiédeur animale
le silence des grands corps
l’oubli des gestes de la vigueur
déjà la nuit tombe nous aussi
le sommeil avec ses couloirs ses galeries
où sont exposés les souvenirs illuminés
les beaux tableaux de la vie
les aiguilles du passé
le sol est doux la mélodie charmante
qu'est-ce qui m'a pris
paroles
philippe poirier : chant, guitare, samples
vincent robert : contrebasse
marco de oliveira : programmations
euh qu’est-ce qui m’a pris
qu’est-ce qui m’a pris de monter sur ce cheval
mais qu’est-ce qui m’a pris
qu’est-ce qui m’a pris
c’est bien un cheval ?
qu’est-ce qui m’a pris
j’aurais pu ne pas monter
pourquoi n’y ai-je pas pensé
et cette invitation j’aurais dû la refuser
je n’aurais pas dû répondre au téléphone
mais par quel hasard suis-je tombé sur elle
pourquoi ai-je ouvert mon e-mail
qu’est-ce qui m’a pris
qu’est-ce qui m’a pris de monter sur ce cheval
qu’est-ce qui m’a pris de monter sur ce cheval
c’est bien un cheval ? oui
sans cela peut-être serais-je en usa
tout ce que j’aurais pu faire et aurais réussi
chaque seconde bouleverse mon destin
je choisis mal entre deux sports steeple-chase
ou polo je reste figé entre deux chaises
je n’aurais pas dû manger cette huître la quinzième
c’eût été tellement plus facile plus agréable aussi
on ne sait pas refuser on ne peut rien abandonner
qu’est-ce qui m’a pris de monter sur ce cheval
je regrette je voudrais ne pas être là
dire qu’elle a cru que je l’encourageais
et cette erreur de frappe qui a tout déclenché
ce retard de train ce pauvre chien couché
si j’étais arrivé à temps je n’aurais pas eu à m’excuser
et accepter j’aurais pu ne pas
sur ce cheval d’être monté
ah mais qu’est-ce qui m’a pris
qu’est-ce qui m’a pris de monter sur ce cheval
qu’est-ce qui m’a pris
c’est bien un cheval ? oui
je frôle trois vies en un quart d’heure
tout m’étourdit me donne mal au cœur
je me faufile entre des cathédrales de hasard
je regarde en bas dans ces nefs inversées
tous ces rêves dorés joliment présentés
comme dans les magasins
ces grands où l’on peut tout acheter
où l’on n’achète rien
ah mais qu’est-ce qui m’a pris de monter
qu’est-ce qui m’a pris de monter sur ce cheval
qu’est-ce qui m’a pris
c’est bien un cheval ? oui
oh et puis après tout laissons-nous mener
à gauche à droite sur la terre comme au ciel
ce cheval peut bien décider il semble si déterminé
sait-il au moins où il va
sommes-nous en train d’aller quelque part
c’est probable et plus loin même que nous ne l’aurions souhaité
notre choix nous dépasse
oui c’est cela sans doute qui nous fait tant hésiter
mais qu’est-ce qui nous a pris
qu’est-ce qui nous a pris d’être monter sur ces chevaux
oui qu’est-ce qui nous a pris
tiens mais au fait je suis seul depuis quand
dans ce vaste champ
mais où sont passés les autres
sans doute sur un cheval eux aussi emportés
qu’est-ce qui m’a pris | 3:06
le cénotaphe
paroles
philippe poirier : chant, guitare, contrebasse
stefan schneider : synthétiseur
le principe est connu depuis l’éternité
dans un ancien tombeau une grotte un cénotaphe
une étroite ouverture précisément située
capte les rayons du soleil un seul jour dans l’année
pour éclairer une marque un mystère dévoilé
à ce jour donc où l’amour s’est tu
un rayon de soleil projette un instant
l’ombre dorée d’un ange dans les bras d’une statue
à ce jour uniquement on a l’illusion
que celle-ci tient l’ange miraculeusement
la terre tourne
orientant ses trous sombres
au soleil immobile
qui lance ses traits brûlants
dans nos cavités intimes
et éclaire nos marques
dévoile nos mystères
nos clairs-obscurs et anamorphoses
meurtrissures et plaies grandioses
où nous étions
paroles
ronald lippok : chant, percussions, synthétiseur
philippe poirier : chant, guitare, samples, sax alto
bernd jestram : vocoder
stefan schneider : synthétiseur
well we came to the right place
no doubt about that
we wanted this (so badly)
and we got this (in the end)
so make yourselves confortable
i’ll be right back
on and on we go
without moving at all
so make yourselves confortable
i’ll be right back
i’ll be right back
i’ll be right back
le lac
paroles
philippe poirier : chant, guitare, synthétiseur
stefan schneider : synthétiseur
marco de oliveira : programmations
ronald lippok : percussions
nous marchons côte à côte
sur des chemins surélevés
nos silhouettes allongées
se reflètent dans le lac
sa surface comme l’œil d’un cyclope
observe dans le ciel les nuages se former
tout au fond ses rêves endormis
comme de grands cétacés
se laissent caresser
par des carpes centenaires
qu’ils se réveillent
et l’eau pourrait rougir
mais non juste un léger tremblement
dans ce regard de titan
quand les poissons argentés s’agitent
comme des milliers de petits nerfs
troublant à sa surface
le reflet des grands nuages
nos silhouettes se tordent et deviennent floues
le lac entier devient flou
sauf les bords
comme les débuts et les fins